J’ai souvent accompagné des personnes qui avaient eu d’autres suivis psys avant. Et elles sont nombreuses à me raconter que la thérapie ne leur convenait pas, qu’elles ne comprenaient pas ce qui se passait, qu’elles avaient l’impression de subir les choses plutôt qu’être au centre du processus. Quand je les questionnais gentiment pour savoir si elles avaient pu en parler à leur thérapeute, la plupart me disaient que non, qu’elles n’avaient pas osé.
Peut-être que ces personnes sont systématiquement tombées sur les pires thérapeutes de l’Univers, mais j’ai plutôt l’impression que c’est autre chose qui se joue. Je vous propose donc d’essayer de comprendre ensemble ce qui a causé ces situations, pour trouver des solutions pour éviter que ça vous arrive aussi.
Des normes qui ne nous rendent pas service
Dès notre plus jeune âge, on nous apprend à respecter l’autorité : les parents, la justice, la police, les médecins. Et respecter ces figures d’autorité, ça veut souvent dire se plier à leurs ordres, peu importe ce que vous en pensez. C’est comme ça que ça fonctionne par défaut dans notre société.
Culturellement, les psys sont assimilé·e·x·s aux médecins (je ne compte plus le nombre de fois où les gens m’appellent « Docteur Weber » quand ielxs me rencontrent pour la première fois). Et on ne questionne pas la façon de faire des médecins ni des psys, car « ielxs savent ».
Et tout le rituel de la thérapie favorise encore cette position « basse » que vous êtes poussé·e·x à adopter : c’est vous qui venez consulter lae psy, vous allez chez ellui, ielx prend des notes sur votre cas, ielx détermine le prix de la séance et son horaire.
Beaucoup de thérapeutes ont ainsi intégré ces mécanismes et ce pouvoir qui leur est conféré, et ne se remettent pas facilement (voire pas du tout…) en question. Ce qui rend souvent le dialogue impossible, car ielxs auraient peut-être l’impression de perdre leur statut et leur autorité.
La peur du conflit
Pour beaucoup de gens, contester l’attitude ou la façon de faire d’une figure d’autorité revient à entrer en conflit. C’est ce que la plupart de nous essayons d’éviter à tout prix, pour ne pas être jugé·e·x ou, pire, rejeté·e·x.
Certaines personnes, et notamment si elles sont minorisées, ont appris que, pour éviter qu’on les maltraite, elles doivent se soumettre à l’autorité. Quitte à ignorer complètement les signaux qui leur indiquent que quelque chose ne joue pas. Par exemple, j’ai malheureusement entendu beaucoup de personnes trans me raconter qu’elles ne réagissaient pas au mégenrage de leur psy, par peur qu’ielx leur refuse l’attestation pour la transition médicale.
Il est donc vraiment difficile de poser des questions et de contester certaines attitudes d’un·e·x psy, car la balance est souvent lestée de beaucoup de choses : la peur de se voir attribuer un mauvais diagnostic, de se voir refuser un traitement, voire d’être considéré·e·x comme « un·e·x mauvais·e·x patient·e·x » et mis·e·x dehors.
Vous avez le droit de questionner et de savoir
Face à toutes ces relations de pouvoir, que faire ?
Je pense que le plus important est de savoir que vous avez le droit de questionner, vous avez le droit de comprendre, vous avez le droit de savoir. Après tout, on parle d’un processus intense qui va se dérouler sur plusieurs mois voire années, avec une personne privilégiée, à laquelle vous allez confier ce qui se passe dans votre vie. Rien de tout ça n’est anodin.
Je ne pense pas que, parce que vous êtes en souffrance, alors vous devez vous soumettre à un·e·x thérapeute qui « sait » et va vous guider. Bien sûr que les psys sont formé·e·x·s pour vous aider, mais c’est vous qui connaissez votre vie. Vous avez le droit de lui dire ce que vous ressentez, ce qui est ok pour vous ou non.
En plus, faire entendre votre voix un super (mais pas facile !) exercice d’affirmation de soi et d’empouvoirement. Prenez ça comme une mise en pratique de votre thérapie, si ça peut vous donner du courage.
Comment faire ?
Sachez que certaines règles seront fixes pour certain·e·x·x thérapeutes (par exemple l’interdiction d’appeler le soir), et flexibles pour d’autres (par exemple faire des séances dans la nature). Mais vous ne pouvez pas savoir à l’avance si vous ne demandez pas. Normalement, votre psy doit vous transmettre certaines informations de base lors de la première séance. Si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à les lui demander, vous avez le droit de savoir à quoi vous attendre.
Pour vous aider, voilà 3 cas de figure.
Premier exemple : votre psy ne vous a pas expliqué comment faire si vous traversez une crise. Vous ne savez pas si vous pouvez l’appeler, si vous devez plutôt lui écrire, s’il sera possible de fixer une séance supplémentaire en urgence, etc. Or, vous savez que vous allez bientôt entrer en période d’examens, ce qui est toujours extrêmement stressant pour vous. N’attendez pas que la crise débarque avec fracas. Dites ou écrivez à votre thérapeute que vous n’avez pas bien compris comment ielx fonctionne, et ce que cela vous inquiète à cause de la période qui s’annonce. Il est tout à fait normal de pouvoir comprendre les règles avant d’être en plein milieu d’une crise.
Deuxième exemple : vous êtes une personne neurodivergente, et les séances sont souvent trop courtes pour vous, vous en repartez frustré·e·x de ne pas avoir pu rentrer dans le « vif du sujet ». Parlez-en à votre psy, vous avez le droit d’être confortable durant vos séances et d’avoir l’impression d’avancer. Voyez s’il est possible pour votre psy de faire des séances plus longues. Si ce n’est pas le cas, par exemple parce que son agenda est plein, alors réfléchissez ensemble pour trouver d’autres options (par exemple, je propose à certaines personnes d’écrire un résumé de leur semaine et de me le lire en début de séance, ce qui permet de gagner du temps).
Dernier cas de figure : vous êtes une personne queer, et à chaque fois que vous évoquez cet aspect de votre vie, votre psy part sur autre chose. Ça vous frustre et vous blesse car vous avez besoin d’en parler, mais vous avez l’impression qu’ielx n’est pas à l’aise avec le sujet, et vous vous demandez même si ielx vous accepte pleinement. C’est bien sûr plus facile à dire qu’à faire, mais choisissez un moment où vous vous sentez le courage d’en parler, et dites-lui comment vous vous sentez. Et observez sa réaction, qui vous indiquera comment gérer la suite de la thérapie. Je vous donne quelques points de repère dans la suite de l’article.
Comment gérer la réaction de votre psy ?
Certaines situations, comme celle que je viens d’évoquer, sont particulièrement délicates. Dans ce cas, voici une astuce intéressante : si parler de la situation en face-à-face avec votre psy vous paraît impossible, écrivez-lui pour lui dire ce que vous ressentez ou pour lui poser votre question. Ielx ne vous répondra peut-être pas, mais vous aurez pu poser les choses à votre façon. Et vous en parlerez très certainement lors de votre prochaine séance.
Ensuite, observez la réaction de votre psy. Ielx sera peut-être tout à fait ok de parler avec vous de ce qui vous est inconfortable, de ce qui vous questionne, de ce dont vous avez besoin. J’ose dire que c’est la marque d’un·ne·x bon·ne·x psy. C’est donc une bonne nouvelle : vous allez certainement pouvoir trouver un terrain d’entente qui vous permette de continuer votre thérapie dans de bonnes conditions.
Si votre psy ne vous répond pas ou trop rapidement, ou qu’ielx évite le sujet, alors sentez si vous avez le courage et l’énergie de remettre tout ça sur le tapis, cette fois ou une prochaine fois. Je vous conseille vraiment de garder comme boussole votre propre confort : ne lâchez pas l’affaire tant que vous n’aurez pas obtenu une réponse ou des ajustements qui vous permettent de bien vivre votre thérapie. Après tout, c’est votre processus, vous avez le droit qu’il se déroule dans les meilleures conditions. Et faites-vous épauler par des proches pour vous soutenir.
Si vraiment trouver un terrain d’entente avec votre psy semble impossible… alors changez de psy. La vie est trop courte pour rester avec un·e·x thérapeute qui ne vous convient pas vraiment. Si le choix est restreint dans votre région, alors peut-être que de choisir une thérapie en ligne peut vous ouvrir d’autres options pour enfin trouver la perle rare.